lundi 14 octobre 2024

Une simple carte postale...



Quand une simple carte-postale où figure votre grand-tante vous fait croiser Max Jacob, le peintre Alfred Beau, le faïencier Henriot, la belle Angèle de Gauguin ou encore les Penn Sardinn en grève.  Bihan eo ar bed !...


Il arrive que l'on découvre sur les sites de vente aux enchères de simples cartes postales qui vous réservent des surprises. Telle celle-ci, postée de Saint-Renan et qui représente la sœur de notre grand-mère. Il est écrit : "La reconnais-tu? C'est Célestine Cabioch." Née en 1888, la belle Célestine figure en effet sur deux cartes postales réalisées à Roscoff au tout début du XXe siècle. Dont une assez fameuse où deux artichauts lui font office de sceptre. 

  
Célestine Cabioch  fut un temps la demoiselle de compagnie du Député Albert de Mun. Monsieur le Comte avait bon goût...

La rédactrice poursuit, énigmatique : " De temps en temps, j'irai te voir. Ou plutôt voir la maison que tu as bien voulu m'expédier. Juge un peu : expédier une maison ! reçois tous mes baisers, toute mon affection. Jeanne." Comprenne qui pourra. Jeanne aura peut-être reçu la photo d'une demeure quimpéroise. Car c'est dans la capitale du Finistère qu'habite la destinataire de sa carte datée de juin 1904. Il s'agit de Gabrielle Pérodeau, "70 quai de l'Odet à Quimper". Or, surprise supplémentaire, c'est tout près de notre résidence principale ! Bon, Jeanne s'est un peu trompé de numéro, mais elle est excusable. La numérotation de cette partie du quai connaît alors de fréquents changements. C'est le 76 que porte à présent la maison de Gabrielle. Elle a été acquise de la famille Rancillac le 24 juin 1885 par Frédéric Pérodeau. Natif de Lorient, issu d'une famille de ferblantiers vendéens, le père de Gabrielle était maître-plâtrier et se fendit de 16,100 francs pour acquérir ce bien. Cette demeure était relativement récente. Un fameux tableau d'Eugène Boudin nous présente son emplacement en 1855 totalement boisé en direction du palais de Justice à l'image des allées de Locmaria.
 
De gauche à droite la maison des Pérodeau, celle où mourut Alfred Beau. Cet immeuble accueillera le faïencier Henriot. Enfin, en retrait, la villa où Max Jacob rédigea ses premiers écrits...
 
 Auparavant, la famille Pérodeau vécut un peu plus près du centre-ville, au 58 quai de l'Odet,. C'est du reste là que Gabrielle est née en 1883 ainsi que son jeune frère trois ans plus tard et qui, hélas, mourra durant la Grande guerre. Cette maison fut remplacée plus tard par une construction moderne. Mais d'ici là, les Pérodeau s'installent enfin dans leur nouvelle acquisition, le 70. 
 
 

Gabrielle aura donc grandi en ayant constamment sous les yeux ces superbes voiliers qui peuplaient encore le port, les barriques de vin alignées sur le quai, les tas de sable. Et du beau linge tout à côté...
 
Les Pérodeau avaient pour voisin immédiat Jean-Louis Le Naour, tailleur de pierre qui éleva et restaura quelque 65 clochers bretons. Au bout du quai était Alfred Beau, peintre et céramiste de renom, directeur de la faïencerie Porquier-Beau et du musée des Beaux-Arts, conseiller municipal et époux d'une fille de l'écrivain Emile Souvestre. Après sa femme, Beau déménagera peu avant sa mort au 74 où il est décédé le 11 février 1907, quai de l'Odet. Sa maison accueillera dès lors plusieurs foyers. 
 

 De bonne famille...