lundi 14 octobre 2024

DEGEMER MAT E MANER KERHOANT

A partir d'un lieu précis — le manoir de Kerhoant, berceau de notre famille — ce site navigue dans l'histoire de Bretagne. Kerhoant en est un raccourci. On y a abrité des nobles, des meuniers, des paysans, des ouvriers agricoles, le dernier recteur de Saint-Pol, son premier maire républicain, des prisonniers allemands... puis des occupants allemands. Et ne nouveau des prisonniers ! 
On y a pratiqué l'élevage, comme ces postiers bretons primés dans les concours, armé un goémonier, fabriqué du pain, cultivé le lin et bien-sûr les choux-fleurs, les artichauts. On y a vu aussi passer les trains, s'élever des blockhaus. Bref, vous trouverez donc ici anecdotes, légendes, coutumes, généalogie...  
 
SOMMAIRE
 
Ma vie de château à Brest. 1ère partie2e partie3e 4e 5e Fin
Les moulins de l'Horn. Généralités Moulins de Guiclan  Plouvorn PlougourvestMespaul

L'ancien domaine de Kerhoant se situe à cheval sur Saint-Pol-de-Léon et Plougoulm. Dominant la vallée de l'Horn, un œil sur l'ancienne voie romaine, il fut un observatoire privilégié des événements qui marquèrent la région. Il en résume aussi l'épopée.
Kerhoant, ce fut d'abord le berceau d'une famille noble qui, quittant le Léon, allait donner son nom à un marquisat du Maine. Un temps, Montoire s'appellera en effet Querhoent. 
 
Après les Kerhoënt, la maison passa aux Névet puis, racheté par le plus riche prébendier de Bretagne, devint une dépendance du château de Kerjean. C'est là que vint mourir en cachette un vieux pirate pourchassé par sa femme. Le tout dernier recteur de Saint-Pol-de-Léon y a vu le jour et s'y cachera des révolutionnaires. En revanche, le premier maire républicain de la commune y est également né.


 
Mais Kerhoant, ce fut surtout le vivier de paysans aisés qui contribuèrent à façonner le Léon. Tous prénommés Claude, de père en fils, les Creach cultivent le lin, font tourner un, deux,  trois moulins, ils arment un goémonier pour amender leur terre, engagent leurs chevaux dans les concours agricoles, plantent les premiers primeurs. 

Un temps, c'est la plus grosse exploitation agricole de Saint-Pol-de-Léon. Et la seule qui, au petit matin, ne va pas puiser sa main-d'œuvre au marché d'hommes, transis sur le parvis de la cathédrale. Sur mon honneur était la devise de Kerhoant. Leurs successeurs n'y ont pas failli... 

Et puis un train traversa ses terres. Et puis les Allemands de la seconde guerre y établirent leur QG, des batteries. Et puis, et puis...

Et puis voici donc la chronique d'une ferme bretonne. N'hésitez pas à apporter votre pierre à l'édifice.

   Laurent QUEVILLY


 


Une simple carte postale...



Quand une simple carte-postale où figure votre grand-tante vous fait croiser Max Jacob, le peintre Alfred Beau, le faïencier Henriot, la belle Angèle de Gauguin ou encore les Penn Sardinn en grève.  Bihan eo ar bed !...


Il arrive que l'on découvre sur les sites de vente aux enchères de simples cartes postales qui vous réservent des surprises. Telle celle-ci, postée de Saint-Renan et qui représente la sœur de notre grand-mère. Il est écrit : "La reconnais-tu? C'est Célestine Cabioch." Née en 1888, la belle Célestine figure en effet sur deux cartes postales réalisées à Roscoff au tout début du XXe siècle. Dont une assez fameuse où deux artichauts lui font office de sceptre. 

  
Célestine Cabioch  fut un temps la demoiselle de compagnie du Député Albert de Mun. Monsieur le Comte avait bon goût...

La rédactrice poursuit, énigmatique : " De temps en temps, j'irai te voir. Ou plutôt voir la maison que tu as bien voulu m'expédier. Juge un peu : expédier une maison ! reçois tous mes baisers, toute mon affection. Jeanne." Comprenne qui pourra. Jeanne aura peut-être reçu la photo d'une demeure quimpéroise. Car c'est dans la capitale du Finistère qu'habite la destinataire de sa carte datée de juin 1904. Il s'agit de Gabrielle Pérodeau, "70 quai de l'Odet à Quimper". Or, surprise supplémentaire, c'est tout près de notre résidence principale ! Bon, Jeanne s'est un peu trompé de numéro, mais elle est excusable. La numérotation de cette partie du quai connaît alors de fréquents changements. C'est le 76 que porte à présent la maison de Gabrielle. Elle a été acquise de la famille Rancillac le 24 juin 1885 par Frédéric Pérodeau. Natif de Lorient, issu d'une famille de ferblantiers vendéens, le père de Gabrielle était maître-plâtrier et se fendit de 16,100 francs pour acquérir ce bien. Cette demeure était relativement récente. Un fameux tableau d'Eugène Boudin nous présente son emplacement en 1855 totalement boisé en direction du palais de Justice à l'image des allées de Locmaria.
 
De gauche à droite la maison des Pérodeau, celle où mourut Alfred Beau. Cet immeuble accueillera le faïencier Henriot. Enfin, en retrait, la villa où Max Jacob rédigea ses premiers écrits...
 
 Auparavant, la famille Pérodeau vécut un peu plus près du centre-ville, au 58 quai de l'Odet,. C'est du reste là que Gabrielle est née en 1883 ainsi que son jeune frère trois ans plus tard et qui, hélas, mourra durant la Grande guerre. Cette maison fut remplacée plus tard par une construction moderne. Mais d'ici là, les Pérodeau s'installent enfin dans leur nouvelle acquisition, le 70. 
 
 

Gabrielle aura donc grandi en ayant constamment sous les yeux ces superbes voiliers qui peuplaient encore le port, les barriques de vin alignées sur le quai, les tas de sable. Et du beau linge tout à côté...
 
Les Pérodeau avaient pour voisin immédiat Jean-Louis Le Naour, tailleur de pierre qui éleva et restaura quelque 65 clochers bretons. Au bout du quai était Alfred Beau, peintre et céramiste de renom, directeur de la faïencerie Porquier-Beau et du musée des Beaux-Arts, conseiller municipal et époux d'une fille de l'écrivain Emile Souvestre. Après sa femme, Beau déménagera peu avant sa mort au 74 où il est décédé le 11 février 1907, quai de l'Odet. Sa maison accueillera dès lors plusieurs foyers. 
 

 De bonne famille...